« En tant qu’élu au sein d’une majorité nationaliste, vous comprendrez que le concept d’autonomie me tient à cœur. Les dernières crises et les risques d’effondrement systémiques nous amènent collectivement et individuellement à une réflexion approfondie sur la résilience des territoires. Ne pas le faire serait de l’inconscience et du déni. Il est de notre responsabilité d’améliorer notre autosuffisance et de réduire au maximum notre dépendance aux intrants. C’est dans ce cadre que s’inscrivent notre réflexion et nos interventions pour tendre à l’autonomie de la Corse en fourrage.
L'autonomie fourragère des exploitations permet aussi de sécuriser et d'augmenter le revenu des exploitants, ce qui nous tient particulièrement à cœur.
La poursuite de cet objectif nous amène à travailler dans plusieurs directions : l’amélioration du rendement des prairies et pâturages, l’accompagnement des éleveurs qui souhaitent augmenter leur autonomie fourragère, et la structuration d’une filière fourrage insulaire avec des producteurs qui commercialisent auprès des éleveurs. Cette structuration a commencé il y a quelques années pour sortir du constat d’impuissance face au ballet incessant des camions remplis de foin, venus de la Crau ou d’ailleurs ! Des voyages d’études et les analyses sur le terrain ont confirmé que la Corse avait tout le potentiel nécessaire pour produire le fourrage dont elle a besoin. L’importation de fourrage représente en moyenne 10000 à 12000 tonnes par an, notre objectif est de réduire ce chiffre de moitié dans les années à venir, et à plus long terme d’atteindre une réelle autosuffisance en fourrage à l’échelle de l’île. Ce n’est pas une utopie !
Aujourd’hui, après plusieurs années de travail et la création d’un groupement de producteurs de fourrage qui intègre désormais les producteurs de céréales, on compte sur toute la Corse 1200 hectares de prairies semées, irriguées et fertilisées, et le Groupement compte 41 adhérents. La filière s’organise, et avec le soutien de l’ODARC, divers matériels collectifs ont déjà été financés, comme une machine à épierrer ou un épandeur d’amendement permettant de fertiliser les sols avec du calcaire, de la chaux ou du compost.
Les enjeux sont d’autant plus importants dans un contexte d’augmentation exponentielle du prix des engrais et du coût des transports qui grève le budget des éleveurs, et d’aléas climatiques qui provoquent une croissance régulière et incompressible des besoins en fourrage. Réchauffement global et épisodes récurrents de sécheresse rendent les prairies moins performantes et l’apport de foins, indispensable de plus en plus tôt. C’est ce qui explique que malgré la mise en place d’une filière fourrage et l’augmentation progressive des surfaces mises en culture fourragère, les importations restent stables.
Nous ne pouvons plus nous contenter des prairies naturelles pour l’alimentation des troupeaux, le climat ne le permet plus et le permettra de moins en moins. Le modèle qui était efficient entre les années 80 et aujourd’hui ne peut plus fonctionner.
Nous devons donc accentuer notre réflexion sur la disponibilité et l’accessibilité de la ressource en eau, et continuer à accompagner les projets d’irrigation et de petite hydraulique, comme nous le faisons déjà, tout en nous appuyant sur la résilience naturelle d’une approche systémique. Par exemple, sur les prairies où l’irrigation est inenvisageable, on sait que certaines cultures de fourrages peuvent être semées dès l’automne pour contourner cette difficulté. Une réflexion est également menée au sujet de la diversité des espèces d’une prairie, en fonction de leur adaptation au contexte pédoclimatique, pour rendre la complémentarité plus efficiente, augmenter la qualité nutritive, l’étalement de la disponibilité, la captation de l’humidité et donc la résistance à la sécheresse entre autres.
L’ODARC accompagne ce travail financièrement et techniquement avec le transfert des agents agrienvironnementaux de l'Office de l'Environnement vers l'ODARC en 2021 et la création d’un pôle de recherche et développement en fourrages et céréales, installé sur la station de l'ODARC à Migliacciaru en partenariat avec le Groupement. Il s’agit d’identifier et de sélectionner les espèces et variétés les plus résilientes, et les plus adaptées à nos écosystèmes, avec des essais de mise en culture, d’abord sur la plate-forme, et ensuite grandeur nature chez des producteurs volontaires, avant une éventuelle généralisation. On teste par exemple des variétés d’orges du monde entier, ou encore des graminées, comme le teff-grass actuellement en phase d’essai chez certains producteurs. Originaire d’Afrique, cette variété, qui supporte de très fortes chaleurs et de longues périodes de sécheresse, tout en étant polyvalente, s’annonce prometteuse.
Nous encourageons, en parallèle de la structuration de la filière fourrage/céréales, l’autonomie individuelle des éleveurs qui le souhaitent, en prairies et en parcelles fourragères. Des mesures d’aide spécifiques sont envisagées sur la prochaine programmation pour favoriser la création de nouvelles prairies.
Toutes ces actions sont le reflet d’une volonté politique ferme et ambitieuse, et sont rendues possibles grâce à une prise de conscience globale et une implication forte des éleveurs et des producteurs fourragers. C’est ensemble et pierre après pierre que l’avenir de notre île se construit ! »